Charles de Foucauld et César de Bus : deux figures de sainteté en ressemblance

17 janvier 2022

Le 15 mai 2022, le pape François canonisera deux nouveaux saints français : César de Bus, né à Cavaillon le 3 février 1544, et Charles de Foucauld, né le 15 septembre 1858 à Strasbourg, Je vous propose de repérer trois chemins de sainteté en ressemblance pour Charles et César :
. Deux convertis qui savent le prix de l’amour
. Deux contemplatifs nourris de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie
. Deux frères pauvres et universels « sans consolation ni visions ».

Deux convertis qui savent le prix de l’amour

Nos deux nouveaux saints ont eu une vie en deux phases : La première, c’est d’abord leur vie d’homme, issus de grandes et belles familles, là où jamais ne manque l’argent, puis doués pour les études et leur carrière de soldat et de gentilhomme honorés des hommes et des institutions… Sans oublier leur lieu de ténèbres dans une vie de débauche et de plaisir qui faillit les perdre ? Entre les deux phases, comme une indispensable charnière, voilà la soudaineté de leur conversion qui bouleversa tout ce qui précède, sans savoir encore ce qui allait advenir. Charles, en 1886, se convertit au cours d’une confession sacramentelle ; César, en 1574, « allant à ses débauches ordinaires » après son oraison ( ! ). Là, il entendit intérieurement : « Misérable ! Tu vas pour faire le mal et tu te recommandes à Dieu ? » Seul l’Amour de Dieu les a saisis comme deux enfants de la Miséricorde.

La deuxième phase de leur vie est tout donnée à Dieu et aux hommes, aux Touaregs et aux Cavaillonnais. Pour cela, César entendit intérieurement cette parole du Seigneur : « Si tu veux vivre de l’amour de Dieu, abandonne tout ». Nous savons que Charles a mis lui-même en pratique ce que César, son « compagnon en sainteté » vivait. Charles priait ainsi : « Mon Père, je m’abandonne à toi ; fais de moi ce qu’il te plaira. » C’est ainsi qu’ils entrèrent dans le temps de la mission, l’annonce de l’inouïe Bonne nouvelle de l’Amour de Dieu pour tous les hommes. Ils ont compris la mission comme proximité, fraternité, simplicité, écoute, dialogue, respect. Autant de chemins qui se transformeront au fil du temps, chez l’un comme chez l’autre. Il leur fallut, entre autres, repenser l’annonce de l’Évangile : pour Charles, en oubliant son idée de convertir à tout prix les musulmans mais choisir d’être avec eux en vivant de l’Unique Dieu ; pour César, en repensant radicalement l’annonce de la Parole de Dieu pour les jeunes générations. Charles et César nous parlent encore aujourd’hui, au cœur de la réflexion du synode de l’Église universelle dont l’unique mission est d’évangéliser. Si proche encore de la vie de notre Église, Charles et César nous interrogent sur notre capacité à repenser la mission et l’évangélisation pour le monde d’aujourd’hui. Positivons la vie de notre Église secouée par les vagues, en disant comme frère Charles : Je suis dans le temps de la préparation de la mission.

 

Deux contemplatifs nourris de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie

L’un et l’autre ont appris à prier. L’un et l’autre ont aimé le silence et la contemplation, l’un et l’autre se sont nourris abondamment de la Parole de Dieu pour la mettre en pratique dans une charité qui débordait de cette intimité-là avec le Dieu vivant. A Nazareth, Charles a appris à « se laisser contempler » par le Seigneur présent dans l’Eucharistie. Il s’est laissé aimer. A Cavaillon, César restaure et embelli la cathédrale pour mettre à l’honneur la grandeur de Dieu dans la prière de l’église, la liturgie, l’eucharistie, en disant : « Adorable Jésus, selon votre parole, soyez au milieu de nous puisque c’est en votre nom que nous sommes réunis ici. » Il savait bien qu’un chrétien doit se nourrir de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie quand il l’enseignait en disant : « La Parole de Dieu est pain ! » Ses longs temps d’écoute et d’entretien avec le Seigneur ont nourri son désir de défricher une route nouvelle pour annoncer l’Évangile et accomplir cette mission avec ses frères et sœurs qui partageaient ce même ministère de l’enseignement et de la Parole. Là encore, il y a de quoi réfléchir, pour nous chrétiens du XXIe siècle… et intercéder auprès de Charles et César pour nous guider sur les nouveaux chemins de l’Évangile.

 

Deux frères pauvres et universels « sans consolation ni visions »

Après des vies tumultueuses rattrapées par le Seigneur, la conversion de Charles et de César va prendre la forme du dépouillement, de la pauvreté et de la fraternité universelle. Cette fois, ils marchent sur le chemin de la sainteté, comme tous ces saints « de la porte d’à côté », dixit le pape François. Pour Charles et César, la vie reçue devient la vie donnée ; l’amour reçu intensément se fait amour donné gratuitement ; leur plus grande de joie est de donner leur vie pour le Christ et pour leurs frères. Charles et César ont marché sur les pas du Christ, « sans consolation ni visions », mais avec pour seule richesse leur foi, leur espérance et leur charité. Si l’un et l’autre gagnent en vision, c’est en raison de la vision propre aux baptisés en Christ, aux convertis. C’est lui qui leur donne un regard nouveau sur les réalités humaines - pauvreté, illettrisme, misère, racisme, etc - un regard nouveau pour une mission nouvelle et originale. De César, le pape Paul VI dira le jour de sa béatification : « voilà un homme qui a vu juste ! » Et qui ne se souvient de l’unique désir de Charles : devenir le frère universel, proche, attentif, écoutant, fraternisant, au nom de Jésus Caritas. La fraternité, l’autre nom de l’amour et le nouveau paradigme de la mission.

En accueillant bientôt nos deux nouveaux saints, Charles et César, le Seigneur ravivera en nous le désir de la sainteté qui n’est pas de l’orgueil mais simplement notre vocation.

Père Jean Philibert